le 04/09/2012 à 05:00 par Marion Giouse Vu 4481 fois
Une victime fait des révélations fracassantes sur les violences
qu’elle a subies à Kagyu Ling entre 1992 et 2001.
Trois autres plaignantes se sont portées parties civiles.
Photo Marion Giouse
DIX ANS APRÈS LES
VIOLS QU’ELLE A SUBIS DANS UN CENTRE D’ENSEIGNEMENT DU BOUDDHISME OÙ ELLE
RÉSIDAIT, SANDRINE* TÉMOIGNE ET BRISE L’OMERTA. TROIS AUTRES PLAINTES ONT ÉTÉ
DÉPOSÉES.
Quand
elle arrive de Paris pour « faire le point sur sa vie », Sandrine, 29 ans,
pense trouver au temple des Mille Bouddhas le cadre idéal pour développer quête
de sens et spiritualité non-matérialiste. Kagyu Ling est le plus ancien centre
d’enseignement de philosophie bouddhiste de France, comme sorti de nulle part,
à la limite des collines du Morvan et de Toulon-sur-Arroux (Saône-et-Loire).
Premier temple de la lignée du Rinpoché, grand maître tibétain, il draine
entre 6 000 et 7 000 stagiaires chaque année.
Omerta
Vingt
ans après ses premiers pas à Kagyu Ling où elle a résidé de 1992 à 2001,
Sandrine témoigne de son calvaire et critique les relations d’abus de pouvoir
entre les lamas bhoutanais (les lamas sont des maîtres du bouddhisme enseignant
à leurs disciples la pratique de la méditation). La parole de Sandrine ne se
libère qu’en août 2010, alors qu’elle était convoquée à la gendarmerie
d’Autun en tant que témoin sur une affaire de mœurs à Kagyu Ling. Elle décide
alors, elle aussi de porter plainte et de rejoindre les trois autres
plaignantes dont certaines étaient mineures au moment des faits.
Les deux premières années au temple des Mille Bouddhas sont heureuses pour
Sandrine qui travaille bénévolement au temple. En septembre 1998, elle est séparée de
son conjoint. « J’étais couchée dans mon chalet, la porte était fermée à double
tour, un lama d’un centre espagnol de Kagyu Ling est entré chez moi et a abusé
de moi pendant mon sommeil », explique-t-elle. Elle prétend que les doubles des
clés de tous les chalets étaient enfermés dans le bureau du directeur.
Mais
Sandrine garde le silence. « Je n’ai rien dit parce que j’avais peur et qu’il
me manquait des éléments. J’étais désemparée. Je ne me souvenais que d’une
partie, j’avais l’impression d’avoir été droguée », explique l’ex-résidente qui
assure que dévoiler ce sordide secret aurait attisé la jalousie des autres
femmes de la congrégation. « La plupart aurait rêvé de coucher avec un lama,
j’en ai même vu gratter à la porte de lama Tempa toute la nuit avec leurs
ongles », se souvient-elle. Mais c’est surtout parce qu’elle a peur pour son
enfant que Sandrine ne dit rien. « J’ai été menacée, si je révélais ce qui
m’était arrivé, on allait emporter mon fils au Bouthan, on me l’avait fait
clairement comprendre », atteste-elle.
Violence extreme
Deux
mois plus tard, en novembre 1998, la malheureuse expérience se répète avec
un « maître de peinture ». Mais l’ancienne fidèle se trouvant sans personne
vers qui se confier ne porte toujours pas plainte. « En janvier 1999, un
lama du temple de Vincennes, m’a raccompagnée dans mon chalet après une soirée.
Je me suis réveillée le lendemain, nue et sans aucun souvenir. J’étais
bouleversée », se souvient-elle. Pourtant, la vie continue et la belle
s’amourache d’un lama venu de Belgique et tombe enceinte. Ce futur bébé déplaît
fortement au directeur du temple, lama Seunam, qui avait des ambitions pour
Sandrine à l’extérieur. Dénigrée par le directeur, la jeune femme se retrouve
alors complètement isolée et mise à l’écart.
« Le
2 août 2010, le lama Tempa s’introduit dans mon chalet avec le double des
clés. Je pense qu’il avait été envoyé pour régler le problème, suppose
Sandrine. Il était furieux, il m’a bâillonné la bouche avec la main, et m’a
agressé si violemment que j’ai perdu mon fœtus », décrit-elle à demi-mot. La
perte de son bébé joue sur l’ancienne disciple comme un électrochoc. Elle ne
pense plus qu’à une chose, quitter le centre.
«
Deux mois après, en octobre 2000, le lama Tempa a forcé de nouveau le
passage du chalet, il a forcé un jeune lama d’un centre parisien à le suivre.
Il m’a envoyé valdinguer, je me suis cassé une vertèbre et ça m’a valu
10 ans de kiné derrière », précise Sandrine, encore émue. « J’ai failli
perdre connaissance à cause de la violence de l’acte », résume la
quadragénaire.
Plaintes
En décembre 2001, Sandrine et son enfant quittent Kagyu Ling et
emménagent dans la région. C’est en 2003 qu’elle dépose une première plainte à la gendarmerie quand
son enfant, revenant d’une visite à son père resté résident du temple, lui
annonce que « le lama Tempa s’est mis tout nu devant lui ». La plainte restera
sans suite par manque de témoignage. Mais Sandrine profite de son élan pour
partir aux prud’hommes contre le temple en 2004. Déboutée en appel,
elle oublie Kagyu Ling pendant plusieurs années.
En août 2010, Sandrine est convoquée à la brigade de recherches
d’Autun. Trois autres
victimes ont déposé plainte pour viols et agressions sexuelles. Pendant
l’entretien avec l’enquêteur, Sandrine s’effondre et porte plainte dans la
foulée pour les deux viols les plus violents qu’elle avait subis plusieurs années
auparavant.
Mais son histoire n’est que la partie immergée de l’iceberg.
* Prénom d’emprunt
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